Wicked : bien plus qu’un joli sortilège

Double standard

J’ai attendu cette suite pendant un an avec une immense impatience. 

Le premier m’avait conquis, et étant fan de la comédie musicale d’origine, je ne pouvais qu’être emballée par cette sortie.
Mais une chose m’a interpellée pendant cette année d’entre-deux. La réaction des gens face à Wicked fut la même que celle qu’on observe souvent lorsque des médias sont destinés à un public majoritairement féminin. Il y a toujours ce regard infantilisant et cette idée tenace : « Si c’est pour les filles, ce n’est pas très profond ni intellectuel. »

Je suis une femme adulte, j’attends la sortie d’un film rempli de beaux costumes et d’un univers imaginaire… et je deviens une gamine aux centres d’intérêt ridicules. Pourtant, si j’étais un homme impatient à l’idée de voir la suite du Seigneur des Anneaux, le discours serait tout autre. Le Seigneur des Anneaux, c’est un conte fantastique débordant de métaphores sur des sujets sérieux. Wicked aussi. Et pourtant, ce double standard persiste.

À cause de ce biais très ancré, je suis déjà résolue à voir la performance d’Ariana Grande prise à la légère. Alors que son rôle, si bien écrit, est magnifiquement interprété. Jouer un clown triste est loin d’être simple, et elle le fait avec brio. Elle incarne Glinda avec une justesse rare et parvient à nous faire ressentir ses émotions à travers l’écran. Les différentes nuances qu’elle doit incarner m’ont toutes touchée en plein cœur.

À plusieurs reprises, j’ai senti les larmes monter : elle partage sa peine malgré un personnage censé être parfait, souriant, radieux… tout le temps. (CF : la scène de Thank Goodness) 

Et tout cela, en plus des scènes chantées ? Elle mérite d’être prise bien plus au sérieux et j’espère la revoir très vite dans d’autres projets.

Les métaphores

Depuis toujours, les histoires qu’on raconte sont le reflet de leur époque. Elles abordent des sujets bien ancrés dans le réel, même lorsqu’elles se déroulent dans la fantasy comme Le Seigneur des Anneaux ou Harry Potter*, ou dans la science-fiction comme la série Andor de l’univers Star Wars.
Wicked ne fait pas exception.

(Attention : la suite de cet article contient des spoilers pour Wicked et Wicked : For Good. Rendez-vous à la fin de l'article dans la rubrique "Mon avis ?" pour la deuxième partie sans spoiler)

* Le Quai10 ne cautionne pas les propos transphobes de l'auteure.

Fascisme

Dans le premier volet, les métaphores liées au fascisme sont transparentes : un grand sorcier utilise un groupe minoritaire comme bouc émissaire pour instaurer un climat de peur et renforcer son pouvoir, quitte à laisser faire — ou commettre lui-même — toujours plus de mal.

Dans ce deuxième volet, le film poursuit cette réflexion tout en introduisant d’autres thématiques.

Activisme

On observe très vite la dualité entre Glinda et Elphaba.
Toutes deux savent que le Magicien est un imposteur, mais elles réagissent différemment.

• Elphaba s’indigne, veut rétablir la vérité et défendre les minorités, même si cela signifie passer pour la méchante. Sa vision du conflit est influencée par son entourage et son expérience personnelle.

• Glinda, elle, reste aux côtés du Magicien en pensant que c’est la meilleure façon de faire bouger les choses. Elle croit profondément au dialogue, au compromis. Parfois aveuglée par son confort et son privilège, elle ne subit pas directement les politiques discriminatoires du Magicien. Sa vision du conflit est influencée par son entourage et son expérience personnelle.

Elphaba se retrouve donc seule face au Magicien et devient « l’ennemie » d’Oz 

— ce qui renforce son emprise sur la population. Comme il le dit si bien :

Dans cette suite, une chanson que j’attendais particulièrement est No Good Deed.

On y trouve ce passage :
"Was I really seeking good or just seeking attention?" ( V.F : Est-ce que je recherchais vraiment le bien ou simplement l'attention ?)

La scène aborde la question des bonnes intentions : sont-elles vraiment désintéressées ?
Elphaba doute. Avec une pointe de syndrome de l’imposteur, elle craint que son engagement ne soit qu’une quête de reconnaissance plutôt qu’un acte de pure bonté.

La chanson exprime aussi que les bonnes intentions ne sont pas toujours perçues comme telles. 

"No Good deed goes unpunished" (aucune bonne action ne reste impunie)

Elle a tenté d’aider… et n’a récolté que du rejet. Cette scène marque le moment où la fatigue du combat devient insupportable, face à un ennemi qui semble imbattable.

Cancel culture

Un sujet qui m’a surprise — car je n’en avais plus souvenir dans la comédie musicale — est la manière dont le Magicien assume pleinement ses méthodes.
Lors d’une confrontation, il dit :

Il affirme même que, si la vérité éclatait, les gens continueraient à le suivre. Ils l’aiment trop pour lui en tenir rigueur. Il est « trop tard » pour le détester.

Le parallèle avec la "cancel culture" est évident :
même lorsqu’on découvre qu’une personnalité publique ou une grande marque a commis des choses horribles (je ne vous faiq pas un dessin) et qu'il y a des appels au boycott, iels s’en sortent souvent sans trop de dégâts. Le public continue de consommer, de soutenir, d’aimer.

La scène de fin 

(ATTENTION GROS SPOILER)

Le film conserve la fin de la comédie musicale, et j’en suis ravie.
Elphaba se fait passer pour morte car elle sait que son combat est terminé et qu'elle ne pourra rien faire de plus. Disparaître permet à Glinda de reconstruire un Oz plus juste et uni.

La scène de For Good m’a arraché toutes les larmes possibles.

Même en sachant qu’Elphaba allait disparaître, même en sachant que Glinda la croirait morte, j’espérais au fond de moi que Glinda comprenne la vérité. Même si la fin est belle, mon petit cœur s’est serré très fort.

Mon avis ?

Globalement, je suis très contente de ce deuxième volet.

Il perd un peu de son effet « wahou » par rapport au premier, car l’univers n’est plus une découverte, mais se rattrape largement par des émotions plus fortes et plus profondes. L’histoire est plus sombre, plus triste, et plonge vraiment au cœur du conflit entre Elphaba et le Magicien d’Oz.

Les deux nouvelles chansons écrites spécialement pour le film sont très belles, même si mes favorites restent celles de la bande originale du musical.

Je pense revoir les deux films pour vérifier si je n’ai rien manqué… et parce que c’est un très bon moment (malgré les larmes).

Et si vous voulez faire pareil, un marathon Wicked et Wicked : For Good, en V.F et en V.O.ST.FR, est prévu ce samedi 22 novembre.

Toutes les informations se trouvent ci-dessous.