Comment j'ai appris à aimer le malaise (et le kloug)
C’est le marronnier indéboulonnable de la télévision française, la bûche indigeste qu’on nous ressert chaque année et dont on reprend pourtant une part avec un plaisir coupable. Mais soyons honnêtes : Le Père Noël est une ordure n'est pas un conte pour enfant·es. C'est une œuvre féroce, sociale et désespérée. Et ça, je l'ai découvert assez tard...
Une rencontre manquée au pied du sapin
Il y a des œuvres qui demandent une certaine maturité pour être appréciées, un peu comme le café ou de la bière (quoique, avec la Piedbœuf). Ma première rencontre avec la troupe du Splendid s'est faite trop tôt, aux alentours de mes 8 ou 10 ans, je n'ai plus le souvenir exact. À cet âge, on cherche le rire, les cartoons, le héros ou l'héroïne qui gagne à la fin. Or, devant ce film, je me souviens surtout d'un sentiment paradoxal : l'incompréhension mêlée aux rires.
La noirceur du propos me passait complètement au-dessus de la tête. La solitude crasse de Thérèse et Pierre, la détresse sociale de Zézette, la dépression de Katia... Tout cela formait un bruit de fond prétexte à créer des situations cocasses qui me faisaient rire, sans trop savoir pourquoi. Je ne voyais pas la satire, juste des personnages un peu idiots et vulgaires. Évidemment, le moindre gros mot entendu à cet âge fait sourire. Cela dit, je n'aimais pas non plus vraiment ce film parce qu'il me mettait mal à l'aise, sans que je puisse mettre des mots dessus. C’est le piège de cette comédie : sous le vernis des répliques cultes, c’est un drame social en huis clos qui se joue. Il m'a fallu devenir adulte pour comprendre que l'humour du Splendid n'était pas là pour adoucir la réalité, mais pour la rendre supportable.
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La lumière au bout du tunnel (et du zoo)
De cette époque, une seule image est restée gravée dans ma rétine avec une clarté étonnante : la scène finale.
C'est le seul moment du film qui s'échappe de l'atmosphère claustrophobe de l'appartement pour éclater — littéralement — au grand jour dans le zoo de Vincennes. Après une nuit d'enfer, de ténèbres et de cynisme, voir les personnages déambuler à la lumière du jour avait quelque chose de libérateur.
Inconsciemment, cette séquence m'a marqué parce qu'elle représentait une respiration. C’est la sortie du cauchemar, le retour à la réalité, même si cette réalité implique de nourrir les animaux avec les restes du dépanneur. Ce contraste violent entre la nuit parisienne étouffante et la lumière crue de ce matin d'hiver au zoo est peut-être la clé de voûte du film : peu importe l'horreur de la nuit, le soleil finit toujours par se lever (même si c'est pour éclairer un désastre).
3 choses que vous ignoriez peut-être sur ce chef-d'œuvre de la comédie française
Maintenant que je suis réconcilié avec le film, il est temps pour moi de vous faire briller en société (ou autour d'un vin chaud au terme de notre journée de Noël Côté Parc) avec quelques anecdotes croustillantes sur les coulisses de ce chaos organisé.
- Une censure qui ne dit pas son nom
Lors de sa sortie en 1982, le film a frôlé l'invisibilité publicitaire. La RATP et la ville de Paris ont refusé de louer des emplacements pour les affiches. Le motif ? Le titre était jugé trop provocateur et vulgaire pour être affiché dans les couloirs du métro pendant les fêtes. La production a dû ruser en organisant une campagne d'affichage "sauvage" et en comptant sur le bouche-à-oreille. Ironiquement, cette interdiction a probablement participé à la légende du film. - La recette mortelle du Doubitchou
Le fameux "Doubitchou de Sofia", cette pâtisserie roulée à la main sous les aisselles, a une composition réelle qui ferait frémir n'importe quel inspecteur·rice de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Lors du tournage, pour obtenir cet aspect pâteux et peu ragoûtant, l'accessoiriste a mélangé du chocolat, de la banane écrasée... et de la pâtée pour chien. L'expression de dégoût sur le visage de Thierry Lhermitte et Anémone n'était donc pas totalement de la composition ! - Une fin alternative moins explosive
Si la fin du film au zoo est culte (et m'a tant marqué), elle diffère radicalement de la pièce de théâtre originale. Sur les planches, la soirée se terminait de manière beaucoup plus sombre et cynique : les protagonistes finissaient par faire sauter l'immeuble avec le gaz, tuant tout le monde. Le cinéma exigeant une fin un peu plus "ouverte" (si l'on peut dire), la troupe a opté pour cette fuite en avant au zoo, permettant de sauver les personnages... mais pas la morale.
Sébastien
Responsable de la communication
Films
Et si cet article t’a donné envie de (re)voir ce grand classique, c’est l’occasion idéale de passer les fêtes ensemble : rendez-vous au Noël Côté Parc le 27 décembre à 20h30 pour une projection unique de Le Père Noël est une ordure.
Evénements
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Ciné culte - Le père Noël est une ordure
Localisation : Côté Parc