Développé à Charleroi et présent dans la sélection des mois d'avril et mai, Outcast : A New Beginning se dévoile à travers Antoine Manin, chef de projet chez Appeal Studios.

Antoine Manin

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Je m'appelle Antoine Manin, j'habite Charleroi et je suis le chef de projet Outcast : A New Beginning depuis deux ans et demi. Ça va faire bientôt trois ans que je travaille chez Appeal Studios en Belgique.

Outcast : A New Beginning, c'est ce qui nous réunit aujourd'hui, puisqu'on le propose dans notre sélection du mois de mai et avril à l'Espace de jeux vidéo. A New Beginning, c'est lourd de sens, parce que le mot Outcast, la licence Outcast pour les gamer·euses, c'est quelque chose qui était déjà connu et qui a eu un impact dans l'univers des jeux vidéo.

Oui, complètement. Le premier Outcast est sorti en 1999, ça fait faire 25 ans et il avait fait du bruit à l'époque, parce qu'il avait été un peu en avance technologiquement. Les voyages dans un monde un peu ouvert avec cette qualité, ça avait ramené les foules. Et du coup, faire une suite 25 ans après, eh bien il y a un héritage à porter et on a tout fait pour le porter du mieux possible dans les meilleures conditions et montrer aux ancien·nes joueur·ses comme aux nouveaux que ce jeu était pour eux·lles.

Pourquoi le choix de reprendre cette licence en main, de lui redonner de la visibilité ?

Cela tient plus à la généalogie du studio en lui-même. Globalement, parmi les personnes qui avaient fait le premier Outcast, il y a Yves Grolet, qui est actuellement le patron de l'Appeal Studios actuel, qui avec certains de ses collaborateurs, Yann Robert et Frank Saueur, ont voulu à la base, autour de 2002, voulu faire une suite. Ça ne s'est pas fait pour les raisons plutôt financières. Et 25 ans après, le rêve a toujours perduré dans la tête de Yves et a fini par ressortir. De fil en aiguille, un studio est né, un rachat a eu lieu, et du coup, on a pu porter ce projet comme ça. C'est plus la volonté d'un homme qui l'a transmis autour de lui et qui a fait, au final, aboutir ce projet.

Donc du coup, vous reprenez un héritage, vous ne partez pas de rien, vous avez les bonnes personnes également qui vous entourent pour s'assurer que vous respectez aussi le univers ?

Certains d'entre nous ont travaillé sur ce projet, mais la base majoritaire d'Appeal Studios est plutôt jeune, beaucoup de ses membres n'ont pas connu Outcast. Moi-même, à la sortie du jeu, j'avais 10 ans. Mais globalement, la difficulté a été plus transmettre la vision à d'autres. Avoir une vision claire et arriver à la faire comprendre à des personnes qui n'ont jamais connu ce jeu-là, et aussi que ces nouvelles personnes apportent ce qu'elles savent du secteur du jeu vidéo. En 25 ans, ça a énormément changé !

Et donc du coup, en cette époque contemporaine du jeu vidéo, 25 ans après, qu'est-ce que vous avez voulu apporter de nouveau ?

La prouesse technologique qu'a eu Outcast en 1999, c'était très compliqué à reproduire pour un studio à notre échelle. Pour rappel, on n'est pas un AAA, on n'est pas Ubisoft, on est à un studio AA, donc ça veut dire budget limité, mais grande ambition. Donc le but, c'était un peu de garder ce qui avait fait l'ADN d'Outcast, de les mettre au goût du jour. Concrètement : une grande liberté de choix dans votre façon de visiter ce monde ouvert. Globalement, dans Outcast, vous pouvez vous balader de village en village et faire comme vous le sentez. Vous pouvez aller d'un côté de la map ou commencer de l'autre côté, c'est vous qui voyez. Donc ça, c'était un premier pilier. Nous avons aussi voulu pousser les interactions avec les autochtones. Le héros, Cutter Slade, interagit énormément avec les villageois, les aliens. Cela dit, techniquement, c'est lui l'alien qui se pende dans leur monde. Il interagit beaucoup avec eux, il apprend beaucoup d'eux. À l'inverse, on a voulu éviter le phénomène du white saviour, le mec blanc qui débarque et qui sauve la situation, les pauvres indigènes, etc. Ça, on a évité. Certains disent qu'on est un peu dedans, mais ça n'a jamais été vraiment la volonté. À part ça, on a mis les mécaniques au goût du jour. Ce qui aboutit a des combats beaucoup plus frénétiques que en 99. La navigation du personnage est très libre. Cutter avait un jetpack dans le premier et dans celui-ci il en a aussi un, avec en plus maintenant un planeur et la possibilité de sprinter. Donc beaucoup d'éléments qu'on a essayé de reprendre pour améliorer la formule de base. On a essayé de s'assurer que ça soit fun à jouer, que ça soit fun de se balader et que les joueur·ses ne soient pas un peu écrasé·es, parce que la carte est très grande. Et pareil pour les combats, on s'est assuré qu'il y ait beaucoup de diversité à notre système de combat. Cutter a deux armes, mais il peut les adapter comme il veut. Il ramasse des petits modules qui changent le comportement des armes et ça donne une customisation de plus au joueur, ce qui n'était pas le cas dans le premier épisode.

Vous avez brièvement parlé de la réception du jeu, vous avez évoqué quelques critiques. Mais néanmoins, ça a été globalement apprécié.

On a regardé quelques critiques, on a regardé Métacritic et la review Steam. Les reviews sont très positifs, donc ça fait plaisir. Globalement, il y avait une base très fidèle de fans de Outcast, le premier du nom, qui était très noyautée. Apparemment, cela a donné satisfaction, donc c'est cool. Ils ont un peu évangélisé c'est vrai, mais à côté de ça, on a réussi visiblement à convaincre d'autres personnes, ce qui était aussi notre objectif. Avec les plus jeunes générations, ça a plutôt bien fonctionné. En vrai, il y a de quoi être très satisfait.

Votre rôle dans le développement, quel a-t-il été ?

Un jeu vidéo, c'est des personnes qui ont des compétences fondamentalement différentes, qui doivent bosser ensemble pour obtenir un jeu bien qu'elles ne parlent pas la même langue. Un artiste ne parle pas la même manière qu'un programmeur. Moi, en tant que chef de projet, c'est d'assurer que toutes ces personnes arrivent à travailler dans le bon sens ensemble et à communiquer. Je suis aussi le lien avec notre éditeur THQ Nordic. Je dois voir que ce que nous produisons et leurs attentes se rencontrent, sans pour autant entraver nos libertés. On a été achetés par THQ Nordic mais ils ne nous ordonnent pas tout ce qu'on fait pour autant. En gros, je veille à ce qu'une équipe pluridisciplinaire arrive, à la fin, à produire un jeu vidéo. Et c'est compliqué, je ne vais pas se mentir. Il y a beaucoup qui disent que sortir un jeu vidéo, c'est un miracle. C'est 100% vrai.

Combien de personnes travaillent sur un projet comme celui-là, environ ?

Ça a varié. Si on compte les externes, on était à plus d'une centaine de personnes à un moment, puis ça va en fonction des étapes de production. Par exemple, au début d'un projet, vous avez beaucoup de personnes qui vont faire du concept, genre dessiner des environnements et des arts, mais à la fin, quand vous avez fini de tout concepté, ces personnes travaillent sur autre chose.

Et combien de temps de développement cela nécessite-t-il ?

Ça a démarré officiellement en 2018. Le rachat a eu lieu en 2021 et la sortie a eu lieu en mars 2024. On se rend compte quand même que c'est de longues années, c'est très impactant. Ça prend du temps, vous faites des fois des tours et des détours, et globalement aussi ça coûte cher, par extension. Le temps c'est de l'argent, c'est cliché, mais c'est vrai en fait. Du coup, oui, ça a pris beaucoup de temps, mais au final le résultat est quand même très satisfaisant pour nous. Visiblement, côté joueurs, ça a l'air aussi bien, du coup, pas de regrets d'avoir pris autant de temps. Surtout que l'on sait que un jeu vidéo qui prend son temps, qui est long, finit peut être en retard techniquement parlant. Visiblement, pour Outcast, on a réussi à se débrouiller, du coup, on est plutôt satisfait.

Ici au Quai10, on propose Outcast comme une fierté carolo, un jeu vidéo qui a été développé ici à Charleroi. C'est quelque chose qui ne semble pourtant pas être suffisamment mis en avant.

Techniquement, on a été racheté par THQ, qui est une boîte autrichienne, qui elle-même appartient à une boîte suédoise. Donc, oui, techniquement, c'est un jeu vidéo international. Après, à l'échelle belge ou même Wallonne, il y a quand même beaucoup d'organisations qui aident des petits studios. En tout cas, ça a commencé avec un financement, notamment via Walga. Après, le sort a voulu qu'on arrive à se associer avec THQ. Par rapport à Charleroi, je dois avouer que ça va faire 3 ans que je vis dans cette ville. Et après, pour avoir de discuté avec des carolos pur souche, qui n'ont jamais bougé, eh bien ils ignoreraient la présence d'Appeal Studios dans le coin, alors qu'on est à 10 minutes à pied du Quai10. Oui, on n'a pas une énorme pancarte posée sur la devanture, mais c'est vrai que c'est pas très connu.

Est-ce que de façon générale, ça a trahi le fait qu'en Belgique, les studios belges ne sont pas suffisamment mis en avant ?

Je dirais pas ça, non. Je pense qu'il y a beaucoup d'efforts qui sont réalisés en Belgique. Pour comparer avec la France, je suis français, pardon, j'ai oublié de préciser, les efforts et les aides sont venus très tard. Il y a des gros salons et tout ça, mais que je sache en Belgique, bien qu'il y en ait quelques-uns à une échelle modeste. Je crois qu'il y en a eu un liège il y a pas très longtemps. Je ne pense pas qu'il y ait une mauvaise représentation du jeu vidéo pour autant. Pour la Belgique, j'ai l'impression qu'il y a quand même une attention qui est donnée. S'il y a déjà des services qui donnent des aides à des petits studios. Pour moi, c'est déjà très positif, mais c'est quelque chose qui prend du temps. Ça peut paraître bête, mais pour que ça bouge vraiment, il faut que ça bouge plus au niveau politique pour obtenir quelque chose de bien. Il a de la volonté, c'est clair. Je ne connais pas beaucoup d'endroits comme celui-ci, avec une brasserie et une section gaming dans le bâtiment en même temps. Donc, la preuve que il y a des moyens qui sont bien en place. Et la volonté du coup.

Pour revenir à Appeal Studios, maintenant que ce Outcast a été lancé, qu'il est sur les rails, j'imagine qu'il y a d'autres projets en parallèle ? Comment ça fonctionne ? Est-ce qu'on met toutes ses forces sur un seul projet ?

Pour Appeal, durant la production d'Outcast, il y a eu un autre jeu qui est sorti. Une autre équipe était là, sur un jeu qui s'appelait "Gangs of Sherwood", qui est sorti un peu avant fin 2023. Après ça, l'équipe a rejoint Outcast pour le rush final, au moment où leurs jeux sont sortis, il restait six mois à Outcast et il fallait tout donner. Maintenant, l'équipe est repartie sur un autre projet et tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'y en a qu'un seul. Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus là-dessus.

Merci Antoine Manin !

Entretien mené par Sébastien, responsable de la communication