Ikiru, ou la narration avant tout

En clôture de ce mois dédié aux mythes d’Asie au sein du Quai10, nous retrouvions jeudi une diffusion du dernier film de notre rétrospective sur Akira Kurosawa avec Ikiru, grand classique du légendaire réalisateur japonais.
Ikiru nous parle du quotidien de Kanji Watanabe, employé communal dans un arrondissement de Tokyo. La banalité de son quotidien n’a d’égal que l'effondrement de son monde lorsqu’il apprend qu’il est atteint d’un cancer de l’estomac et qu’il n’a plus que quelques mois à vivre. Alors conscient de la vacuité de son existence, il se met en quête de trouver un sens à sa vie.
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Véritable pamphlet anti bureaucratique, Ikiru est d’abord porté par des acteurs, tous absolument fantastiques, s'affichant en reflet d’une société que Kurosawa nous montre comme malade et incapable de gérer le quotidien populaire. Il est alors intéressant de constater que les personnages les plus marquants et flamboyants sont ceux qui se détachent de cette bureaucratie, de ce quotidien noir et répétitif. Ces danseuses, écrivains, femmes de quartiers et autres travailleuses et travailleurs qui apprendront à Watanabe à vivre et à accomplir sa quête.
Techniquement, il est probablement à la limite de l’irréprochable. La première séquence m’ayant réellement marquée et qui m'ont fait comprendre quel type d'œuvre j'avais en face de moi c'est cette suite de plans fixes qui nous plonge dans la vision de personnes banales cherchant à régler un problème dans leur quartier. On y voit alors une série de bureaucrates se succéder, chacun remettant la suite de l’opération à un service différent, aspirant toute volonté de bien faire auprès de leurs interlocuteurs. Cette séquence impactante et à la musicalité impressionnante nous met directement en face d’un des propos du film.

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La dernière chose qui m’a marqué lors de mon visionnage de Ikiru et probablement ce que j'ai le plus retenu c’est la manière dont Akira Kurosawa se défait de toute obligation de rythme pour mettre en avant son propos. Si le film parle de la mort, de l’image que l’on laisse de notre vivant sur terre et du rapport aux autres alors il serait intéressant de raconter l'entièreté du troisième acte du film par le biais d’une dizaine d’hommes complètement bourrés à un enterrement, peu importe que ça allonge terriblement le rythme du film et sa durée, l’impact symbolique primera et le message du film en sera décuplé. Alors oui, ça parait très long, c’est assez daté et c’est évidemment l’exemple le plus extrême de l'œuvre mais c’est une démarche qui revient régulièrement et qui ne fait pas ressortir indemne de la salle.
Films
Comparer Ikiru aux films qui sortent de nos jours serait presque blasphématoire tant le média cinéma a évolué en plus de 70 ans, que ça soit en termes de prouesses techniques, de moyen de consommation et de production ou même de procédé de narration. Que l’on ait été touché par cette démarche ou qu’elle nous ait ennuyé, l’important est probablement qu’elle nous ait été proposée et même certainement qu’elle puisse l’être à nouveau, plus de 70 ans plus tard. En tout cas, moi, ça m’a donné envie d’en découvrir davantage, des démarches.
Mathéo
Animateur de l'Espace jeu vidéo