En marge de l'avant-première de son premier long métrage de fiction, Paloma Sermon-Daï nous a accordé quelques minutes pour nous parler de son projet mais aussi de son prochain film, actuellement en cours d'écriture.

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Paloma Sermon-Daï, bienvenue au Quai10 ! Il pleut dans la maison, a fait sa sortie en France auprès du public, il s'apprête à faire de même en Belgique. Ton premier long métrage de fiction, comment tu te sens ?

Je me sens bien, je me sens impatiente, c'était assez long, parce qu'on a fait Cannes en 2023, donc on arrive quasi un an, donc oui, j'ai envie d'accoucher.

Tu es en pleine tournée belge d'avant-première, le public qui découvre ce projet. Par rapport à ça, y a-t-il une appréhension, comment il va être reçu ?

Je l'ai beaucoup présenté en France, et c'est vrai que là en Belgique, forcément je suis un peu plus attentive aux retours des gens aussi, parce que j'ai quand même envie que le film leur parle. Voilà, par exemple, aujourd'hui on présente à Charleroi, forcément c'est un film aux Lacs de l'Eau d'Heure, j'ai envie que les gens reconnaissent peut-être des moments de leur jeunesse là-bas, donc c'est tout un imaginaire aussi qu'on se fait d'un public.

Justement, c'est un projet assez personnel puisque toi-même, tu as vécu ces étés caniculaires en Wallonie.

Oui, oui, moi j'ai grandi en bord de Meuse dans la région d'Andenne, j'allais de temps en temps au lac, donc c'est vrai que moi le film, j'ai vraiment commencé à l'écrire parce que j'avais pas de la nostalgie, mais un peu de mélancolie quelque part de ces étés de la jeunesse, et je crois qu'on a tous en mémoire un peu les derniers étés, un peu charnières avant de devenir adulte, comme ça, et c'est vraiment ça qui m'intéressait.

Concernant le synopsis du film, donc on a Purdey et Makenzy, deux jeunes qui font un peu leur coming of age.

C'est deux jeunes qui ont une vie pas évidente, mais voilà, il y a une jeune fille qui travaille dans un groupe hôtelier au bord du lac, qui essaie justement de mettre un peu sa vie sur les rails, de trouver son indépendance, il y a un petit frère qui lui, et qui aimerait bien récupérer une vie plus équilibrée avec sa maman, qui s'accroche un peu à cette maison qui fuite, et donc lui il va plutôt être réactionnaire, plutôt en colère par rapport à la situation qu'il vit.

Il pleut dans la maison c'est un titre très imagé, est-ce qu'on peut savoir pourquoi avoir choisi ce titre ?

En fait j'ai commencé à l'écrire pendant cette période un peu douloureuse pour la Belgique des inondations, et donc il y a très vite eu ce personnage de maison qui fuit. Et il se fait en plus qu'on a tourné en 2022 pendant la grosse canicule, donc il faisait 30 degrés tous les jours, mais c'est vrai que j'avais vraiment envie de travailler ce personnage de maison, cette symbolique de l'eau aussi, donc voilà il y a un côté métaphorique au titre, et puis en même temps il y a un côté symbolique, c'est une famille un petit peu qui prend l'eau.

Le choix de ces acteurs, qui sont également demi frère et sœur dans la vraie vie, pourquoi ?

J'avais fait un court métrage quand j'étais à l'école avec eux, ils avaient à ce moment-là 10 et 13 ans. Purdey est ma nièce et j'ai commencé à écrire ce film sans penser travailler avec eux, et puis c'est mon producteur qui m'a dit : "quand même les deux personnages, ils ressemblent vachement à Purdey et Makenzy". Mais je ne savais pas du tout s'ils avaient envie de faire du cinéma, et donc je leur ai proposé, et ils se sont engagés avec moi. C'est à ce moment-là qu'on est vraiment rentrés dans un travail à trois, et puis avec Donovan aussi, l'ami de Makenzy. J'allais les voir toutes les deux ou trois semaines, je les filmais énormément, j'écrivais de mon côté, je leur donnais des bouts de texte, on improvisait ensemble, donc ça a été un travail très progressif, dans la durée.

Et assez naturel, finalement, on a l'impression que vous êtes découvert les uns les autres au fur et à mesure.

Oui, je pense que comme ils ne sont pas acteurs professionnels, ils n'ont même pas spécialement eu de cours ou de choses comme ça, en fait, ils sont vierges de toutes méthodes, et donc j'ai vraiment pu créer une méthode autour d'eux et autour du film, en fait. Donc je me suis vraiment adaptée aussi à leurs forces, à leurs faiblesses. Purdey elle travaille beaucoup, elle aime plutôt être dans la parole, dans le dialogue alors que Makenzy, c'est plutôt physique. Il adore quand on lui demande de boxer, de courir... il y a quelque chose vraiment dans le rapport au mouvement qui est intéressant. Donc j'ai vraiment essayé aussi de développer les personnages en fonction de ça, en fonction de quelque chose qu'ils avaient déjà en eux.

Pour revenir donc à ce court métrage, appelé Makenzy, à l'époque, tu n'avais pas l'idée d'en produire un long sur base de ce personnage, de cette thématique ?

Non, pas du tout, et d'ailleurs, ce n'est pas tellement le même personnage. C'était un film assez documentaire sur le quotidien de Makenzy dans le village dans lequel on a grandi, à Sclayn. Ici, je l'ai développé dans une narration mais on retrouve beaucoup de leur personnalité dans des petits éclats d'improvisation au bord du lac, dans les moments d'observation... Ils sont frère et sœur, donc parfois on déborde du dialogue, il y a des éclats... J'ai vraiment eu envie de les emmener dans une narration, parce qu'avec ce film, j'avais à la fois envie de parler de ma jeunesse, de leur jeunesse, de la jeunesse des gens que j'ai connus ou encore des gens que j'ai pu observer au lac. C'est un mélange de tout ça, et donc la narration, elle a vraiment été écrite autour de ça.

Est-ce qu'ils t'ont surpris sur des moments d'improvisation entre eux ?

Oui, beaucoup. J'ai découvert énormément d'émotions, une grande intériorité en fait. Ces deux jeunes qui ne mettent pas forcément de mots sur leurs émotions. Et j'ai découvert dans le travail qu'ils en étaient absolument capables. J'ai découvert aussi qu'ils étaient capables de beaucoup d'humour, beaucoup d'autodérision, et puis de ne jamais se laisser déstabiliser par la caméra et de toujours foncer. Ils n'ont quasiment jamais interrompu de prises, par exemple. Ils n'ont jamais dit "je ne sais pas", ou "je ne sais plus", ou "est-ce que je dois aller là, qu'est-ce que je dois faire ?" Donc voilà, c'est vraiment cette année de travail et cette grande confiance qu'il y a eu entre nous qui a permis ça.

Et toi comment tu as vécu cette expérience de cinéma, de tournage, sachant toute la part personnelle que tu y a apporté ?

C'était une très belle expérience. Je suis heureuse parce que j'avais justement cette nostalgie des étés, et j'ai vraiment l'impression d'avoir revécu ces étés. Je pense que toute l'équipe l'avait vécu comme ça, parce qu'on était... C'était une production légère, donc il y avait très peu de budget. On était une équipe de 7 personnes sur le plateau donc on était vraiment en famille, on avait vraiment l'impression d'être en vacances avec eux, à filmer parfois des choses drôles, parfois des choses beaucoup moins drôles, mais il y avait quand même cet esprit de famille autour. Et donc moi, je l'ai très bien vécu. C'était un beau voyage dans mon passé aussi.

Il pleut dans la maison a remporté plusieurs prix, notamment celui "French Touch" à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes. Le même remporté par Aftersun 1 an auparavant. Quand on apprend, ça, comment on se sent ?

On était très heureux, ça a permis une belle visibilité au film. Aftersun, c'est un film que j'ai beaucoup aimé et qui, je pense, essaie aussi de toucher à des sentiments d'une certaine nostalgie de l'enfant. C'est aussi de choses très dures mises en lumière. Les films sont très loin l'un de l'autre, mais je pense qu'il y a quand même cette volonté d'aborder des thématiques difficiles, mais d'en faire quand même des films qui racontent un morceau de vie, un moment charnière. Je pense que peu importe le milieu duquel on vient, peu importe comment on a grandi ces étés-là, je pense qu'ils sont tous assez imprégnés en nous.

La critique française se montre d'ores et déjà enthousiaste. Je t'imagine satisfaite, ou même rassurée aussi parce que j'imagine qu'il y a une crainte quand un projet pareil est mis en place et est présenté.

Oui, en même temps, on l'a fait, comme je vous le disais, sans beaucoup de budget. Donc on s'imaginait même pas forcément que le film allait sortir. On espérait un parcours en festival, on espérait éventuellement une sortie en Belgique, mais par exemple, on espérait pas une sortie en France. Donc j'essaie de vraiment garder les pieds sur terre et de me dire que tout ça, c'est du bonus. Et de pas mettre l'ambition en mauvais endroit. Moi, je suis déjà en train de penser au prochain film. J'ai envie que tout se passe bien ici, mais je pense que c'est important pour moi de continuer à avancer, de pas me... Par exemple, j'essaie de pas trop lire les critiques, de ne pas m'imprégner tout ça, parce que je pense que ça peut être un peu malsain.

C'est quoi le style Paloma Sermon-Daï ?

C'est difficile à définir, parce que j'espère ne pas toujours faire la même chose, évidemment. Là, je pense que j'ai fait un triptyque autour de la vie en Wallonie, d'un certain type de film qui venait un peu de mes entrailles, qui parlait de choses assez intimes. Là, mon prochain film n'a rien à voir. Je dis ça et puis je vais forcément mettre de moi dedans. C'est un film sur une maman influenceuse, une mère au foyer 2.0 qui met sa vie en scène sur les réseaux sociaux. Donc ça n'a, à priori, rien à voir avec ce que j'ai fait maintenant, sauf que je vais probablement tourner en Wallonie. Donc il va forcément y avoir un peu de moi. Il y a un rapport très fort au territoire et puis surtout, il y a un besoin de travailler dans une certaine empathie, dans une certaine confiance avec les gens que j'ai autour de moi, que ce soit l'équipe ou les acteurs. Je n'ai besoin de créer pas une famille, mais quand même des liens assez forts.

Il y a des besoins aussi d'aborder certaines thématiques dans ton cinéma ?

Jusqu'à présent, il y avait des thématiques assez sociales. Dans Petit samedi, c'était un film sur la toxicomanie donc j'essayais vraiment de lever un tabou. Et je pense qu'il y a un peu de ça qui revient. J'ai toujours envie d'essayer justement de retourner un peu les à priori des gens. Ici, on va pas se voiler la face, on parle de précarité, mais on parle pas que de ça. Je n'ai pas envie que les gens détournent le regard là-dessus. Je pense que c'est important aussi de raconter des belles histoires autour de ça. Et donc voilà, par exemple, mon prochain film sur l'influenceuse, chaque fois que j'en parle, je me rends compte à quel point les gens ont énormément d'à priori sur les gens qui font ça. Tu as l'impression que c'est des gens bêtes, que c'est des gens qui sont là uniquement pour le profit. Et en fait, j'ai envie chaque fois de redonner un peu d'humanité aux choses que les gens ont plus tendance à foutre dans les tiroirs.

A quel stade en es-tu dans ce nouveau projet ?

À l'écriture. Je pense qu'il y aura encore une année d'écriture pour être bien bien, parce que là, c'est un autre défi, c'est vraiment un scénario un peu plus dense à écrire.

Et tu t'accompagnes donc peut-être pour son écriture ?

Pour l'instant, non. Il y a quelques consultants qui viennent un peu jeter un œil à l'écriture. Et puis j'ai toujours les mêmes producteurs qui sont très impliqués artistiquement. On a beaucoup d'échanges chez Michigan Film, chez Quidam en France. Donc voilà, je ne suis pas toute seule.

Merci de nous avoir accordé un peu de ton temps Paloma !

Entretien mené par Sébastien, responsable de la communication